Toutes les histoires commencent par il était une fois et cette histoire n’échappe pas à la règle. Il était une fois dans cette chère ville du Kentucky, Owensboro. Au beau milieu du mois de Juin, durant une après-midi ensoleillée, la famille Bones s’agrandit. Un fils pour ce bon vieux Johnny Bones qui était marié depuis quelques années à cette délicate et délicieuse Laura Bones. Tout les différenciait. Laura était douce, sensible, menue, toujours prête à rendre service à son prochain, elle donnait beaucoup de son temps pour les autres et notamment pour les enfants puisqu’elle était infirmière dans un hôpital. Johnny, tant qu’à lui, était un être détestable, froid, distant, jamais un sourire, jamais un mot plus haut que l’autre surement parce qu’il n’adressait que rarement la parole aux inconnus et quand il le faisait c’était pour critiquer quelque chose. Beaucoup se demandaient ce qui avait pu les rapprocher, ce qui avait pu faire qu’ils étaient désormais mariés, heureux et parents.
Sean grandit dans cette famille si particulière. On peut dire que lorsqu’on regardait les apparences, tout semblait parfait : une famille aimante, souriante, douce, typiquement américaine. Personne ne se doutait de ce qu’il se passait une fois la porte de leur maison fermée. Personne ne se doutait des crises de colère du père et des pleurs du fils unique. Personne ou alors tout le monde mais personne ne voulait parler. On ne parle pas à Owensboro même si on est au courant des choses terribles qui peuvent s’y passer. Les cris et les larmes, c’est ce dont Sean se souviendra en ce qui concerne son paternel. Mais, dieu soit loué, il y avait aussi les tartes au citron meringué de sa mère, ses tendres câlins, son parfum à la cerise, la chaleur de ses bras et la douceur de ses baisers. C’est d’ailleurs cette différence qui provoquait des disputes entre les parents.

-Tu vas faire de ton fils une mauviette. Il sera incapable de prendre des décisions d’homme. Une mauviette ! Je ne supporterais pas d’avoir comme enfant un gay. Tu m’as compris ? Hurlait l’époux alors que la jeune épouse préparait le repas pour le diner avec l’aide de son fils unique. Sean aidait toujours sa mère, il l’aidait à étendre le linge, à plier le linge, à faire les lits, à faire la vaisselle, à cuisiner.
-Chérie, ne dis pas ça. Ce n’est pas parce que je suis douce avec lui qu’il n’aimera pas les femmes et puis tant bien même, je ne le renierais pas quoiqu’il fasse, quoiqu’il devienne. Sean est mon fils, il est notre fils.

Johnny partait en grondant, souvent il lui arrivait de botter les fesses de Sean juste pour lui faire comprendre que la vie n’était pas facile et que sa mère ne serait pas toujours là pour lui venir en aide. Il fallait qu’il grandisse, qu’il s’assume. Mais même lorsqu’il venait le gronder, ou qu’il levait la main sur lui ; quelques minutes plus tard, Laura débarquait dans la chambre de son fils et le prenait dans ses bras. Souvent, elle se glissait sous ses couvertures et le prenait dans ses bras. Elle lui chantait quelques berceuses, déposait un tendre baiser sur son front en lui susurrant qu’elle l’aimait … Sean s’endormait et oubliait … pour la nuit ce que lui faisait subir son ignoble père.

Etre accusé à tort est certainement la pire chose qui puisse arriver à un homme. Etre accusé à tort alors que vous vouliez faire l’opposé de ce qu’on vous accuse, voilà qui peut détruire n’importe qui. Johnny était dans une rage folle lorsqu’il apprit que son fils était accusé d’agression sexuelle. Son fils ? La mauviette ? Un délinquant sexuel ? Sean ne faisait qu’une chose, il plaidait son innocence ! Il n’avait pas arrêté de dire qu’il avait aidé cette fille, qu’il l’avait trouvé nue dans la rue et qu’il lui avait prêté son manteau avant de la conduire jusqu’à sa voiture mais le policier n’avait retenu qu’une chose : un jeune homme tatoué tenait entre ses mains une fille de bonne famille, nue, muette et traumatisée par son viol. A jouer les bons samaritains, il devenait criminel. Laura était venue le voir en prison, en larmes, elle suppliait qu’il dise la vérité et lui, muet, la suppliait de le croire. Jamais, il ne lèverait la main sur une femme. Jamais.

-J’ai payé ta caution. Sortons de là. Hurlait Johnny qui venait d’entrer dans la pièce. Laura sauta dans les bras de son époux alors que Sean sentait le poids du regard de son père sur son front. Il le pensait coupable. Ils le pensaient tous coupables.

Ils rentrèrent chez eux. Johnny fumait une cigarette. Laura préparait le repas. Sean faisait ses affaires pour partir. Si personne ne le croyait, il ne pouvait pas rester. Il ne supportait pas d’être considéré comme un criminel. Laura monta dans la chambre de son fils et tomba à genoux quand elle le vit avec un sac sur l’épaule.
-Je suis obligé de partir Maman. Tu ne me crois pas, papa ne me croit pas. Tout le monde me croit coupable.
-Honney ! Papa a payé. Tu n’auras rien sur ton casier.
-Oui mais toi, tu ne me crois pas. Je le vois dans ton regard, tu ne me regardes plus de la même manière. Tu me vois comme ce monstre qu’il croit que je suis. Je ne peux pas le supporter.
-Mais …
-Je t’aime maman.

Sean avait tourné les talons, il était parti et n’était plus jamais revenu. Chaque mois, il envoyait une lettre à sa mère. Il lui expliquait ce qui lui arrivait dans sa vie, il essayait de la rassurer alors qu’il n’était pas l’homme qu’elle aurait qu’il soit.

Sean n’imaginait pas un seul instant qu’il deviendrait un jour garde du corps. Mais lorsqu’il croisa le chemin de Callypso, il tomba sous son charme et devint prêt à accepter tout ce qu’elle lui aurait proposé. Depuis quelques années déjà, Sean la protégeait et surveillait ses fréquentations. Chaque personne souhaitant un entretien avec la belle devait passer par Sean, il vérifiait que vous n’étiez pas armé et restait parfois dans la même pièce afin de veiller à ce que vous n’attaquiez pas la Reine. Il était toujours là. Il ne la quittait pas d’une semelle. Tous les jours, il pouvait admirer sa classe, son élégance et parfois, elle lui souriait. Un sourire qui aurait pu servir de salaire tant il aimait voir ce sourire égayer ces journées.
Mais, il y avait les filles. Ces filles parfois en pleurs qui ne demandaient qu’à avoir de nouveau leur liberté. A force de discuter avec certaines personnes, Sean se demandait s’il ne devait pas les aider, les aider à s’enfuir. Bien sûr, il faudrait faire ça derrière le dos de Callypso mais c’était une idée à creuser. Peut-être que c’était ça son rôle : aider les filles les plus fragiles à échapper aux griffes de Callypso.