© Misery Angel;« Chaque personne qu’on s’autorise à aimer, est quelqu’un qu’on prend le risque de perdre. » ▬ Grey’s Anatomy.La première personne qui était censée m'aimer, m'a rejetée.
« Ça t'emmerde de t'appeler Ange, hein ? Petite Angeounette ! » « Ta gueule, connasse. » Je jette une chaussure à la tête de la fille. Violemment. Trop, peut-être. Quand je vois son nez qui saigne, je mets ma main sur ma bouche, pour taire un cri horrifié qui menace d'en sortir. Je fixe sans un mot le filet de sang qui a, à présent, atteint sa lèvre supérieure.
Agressive avant l'heure, Enrique ? J'y peux rien si je ne suis la fille de personne. J'y peux rien si je suis une bâtarde. J'ai pas demandé à naître, moi.
« Allez, Ange, viens dans mon bureau. On va parler un peu toutes les deux. » Psychiatre de merde. Elle qui évolue dans le luxe, l'amour et la joie. Elle ne peut pas comprendre, ce que
nous on ressent. Peut-être qu'elle voit la misère au quotidien. Mais elle ne vit pas
dedans. Je la suis, non sans quelques jurons marmonnés à l'intention de personne. Elle s'assoit derrière son bureau, sans un mot, des lunettes perchées sur son nez fin, qui lui donne un air sévère.
« Ange, il va falloir changer de comportement. Et tu le sais. » « Je ne m'appelle pas Ange. » murmuré-je les dents serrés et le visage fermé. J'aurais bien laissé s'échapper quelques larmes de rage, mais elle aurait été trop contente.
« C'est pas de ma faute si mon père est un connard insouciant qui s'est vidé les couilles dans ma mère, une ivrogne fauchée. Franchement, j'y peux rien. » L'air indigné de l'autre psy me suffit.
« ANGE ! » « Tu vas devoir t'habituer à m'appeler Esmeralda ou on ne sera plus copines, toutes les deux. » Esmeralda ? Le second prénom que ma satanée
maman a eu la bonté de me donner. Déjà à la naissance, j'étais foutue. Foutue de chez foutue. Ma mère, en plus d'être une lâche, avait des goûts de chiotte.
On n'est pas dans la merde, je vous le dis, moi. « Ange, je voulais justement t'annoncer qu'une famille d'accueil a accepté de te prendre en charge. »« Esmeralda.. »« Il n’y a rien de plus trompeur qu’un sourire... » ▬ Desperate housewives.« Esmée, tu peux venir m'aider à ranger quelques affaires à la cave ? » Je regarde ce type. Je le couve d'un regard admiratif, même. Il est le père que je n'ai jamais eu. Pas un mot plus haut que l'autre, l'injustice doit être un mot banni de son dictionnaire, et il a toujours le sourire aux lèvres. S'il n'avait pas quarante ans de plus que moi, je crois que je me le ferais bien. Même son prénom est parfait;
Mark. Honnêtement, vous ne trouvez pas qu'il est sublime ? Son seul petit défaut pourrait être ses deux mômes, plus qu'insolents. Il ne fait pas de différence entre ses enfants biologiques et moi.
Que demande le peuple ? La réalité est peut-être un peu trop idyllique, justement. Mais je ne veux pas ouvrir les yeux et préfère continuer mon songe puéril.
« Bien sûr, Mark, j'arrive. » Je descends les escaliers doucement, tout en profitant de la dalle froide sous mes pieds, en cette canicule insupportable d'août. J'ai le sourire aux lèvres, quand j'arrive en bas. Je m'approche tranquillement de Mark, tout en posant ma main sur un de ses bras.
« Je peux faire quoi ? » Il regarde vaguement autour de lui avec de me regarder dans les yeux. L'intensité de son regard me liquéfie. Mon ventre se serre. Je ne cherche rien d'autre qu'une présence paternelle.
J'ai eu ce que j'ai voulu, non ? « Il faudrait déplacer les vélos, puis ranger ces bouteilles dans le meuble, ici. » dit-il en pointant une petite armoire. Je hoche la tête, tout en m'activant. Alors que je me retourne, je sens son regard dans mon dos. Je frissonne. Bien qu'on soit en été, la cave est fraîche et ma robe courte ne me suffit pas. J'avale difficilement avant de prendre un vélo rouge, pour l'emmener un peu plus loin.
« Pas comme ça, Esmeralda, bouge-toi un peu ! » Je sens une sueur froide, inexpliquée, couler le long de mon dos. Et je peux être certaine que ce n'est pas la chaleur qui est à l'origine de cette transpiration. J'inspire. Expire. Et essaie de faire avancer les choses, plus vite.
Mark, tu es modèle et je t'écouterai. Toujours. Petite idiote.
« Plus vite ! » Je commence à saturer.
« PLUS VITE, SALE GAMINE ! » Mark ? Je ne te reconnais plus. Je ne veux pas le regarder. Je ne veux pas le regarder. Je ne veux pas le regarder. Je ne v.. je détourne un moment mes yeux d'un vélo bleu.
Mauvaise idée. La folie est perceptible dans l'iris de Mark. Il ne se contrôle plus. Où est passé le Mark, gentil, attentionné, drôle ?
Ne jamais se fier aux apparences, Esmée. J'esquisse un pas vers la droite. Je chancelle un peu. Il me retient par le bras. Ce contact me fait sombrer.
« Tu ne me résisteras pas, poupée. » Je ne veux pas crier. Je ne veux pas me plaindre. Je ne veux pas geindre. Une parole de trop et je serai retirée de cette famille. Hors, je ne veux pas perdre Mark. Ledit Mark, qui me fait mal au bras, à force de le serrer. Je ferme.
Imagine-toi ailleurs, Esmeralda. Imagine que tu voles. Tu es au milieu d'une multitude de nuages. Tu veux t'asseoir. Tu en essaies un. Puis un autre. Les lèvres pleines de Mark s'écrasent sans délicatesse sur les miennes. Sa langue force la mienne à s'entortiller autour de la sienne.
Il est trop tard pour crier, Esmée. Quelques minutes plus tard, Mark entre en moi.
Mon calvaire n'a fait que commencer. Les jours, les semaines, les mois qui suivirent se ressemblèrent. Esmée, un petit tour dans le jardin ? Au grenier ? Chez le dentiste ? Chez le coiffeur ? A la supérette du coin ? Un jour, j'ai trouvé le courage. Le courage de cracher sur cet ingrat comme il l'avait mérité. Mais le mal était fait. © Misery Angel;àterminer;